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La Commission européenne vient de publier deux analyses d'impact sur le futur mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et la révision de la directive sur la taxation des produits énergétiques.

La finalité de ces deux mesures est d'aligner la fiscalité européenne sur les objectifs climatiques européens et s'inscrivent dans le cadre de l'initative phare de la nouvelle Commission Von der Leyen : le « Green deal » pour l'Europe, qui a fixé la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Bien que ces analyses ne constituent que le début d'un long processus législatif, nous souhaitons attirer votre attention sur les deux mesures évoquées ci-dessus, qui sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'activité de votre entreprise à moyen terme.

Une nouvelle taxe carbone sur les importations ?

« Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières » prévoit la mise en place d'une taxe additionnelle à l'importation sur les produits en provenance de pays tiers qui ne respecteraient pas les mêmes normes environnementales que l'Union européenne. Il tient compte de l'empreinte cabrone des produits importés.

Cette taxe sera donc exigible lors de l'importation (en plu sdes droits de douane et de la TVA à l'importation) et son taux dépendra notamment du secteur économique, de la quantité d'énergie fossile employée dans le processus de fabrication, et de la provenance du produit importé.

La base de calcul sera probablement fondée sur une méthode similiaire à celle actuellement utilisée dans le cadre du système communautaire d'échange de quotas d'émission - SCEQE (i.e. sur la base valeurs de référence par processus de production, sauf si l'exportateur certifie une empreinte carbone plus faible et / ou un coût carbone plus élevé dans le pays d'origine).

La Commission n'a pas encore précisé quels seront les secteurs visés par cette mesure. Nous anticipons d'ores et déjà que l'acier, les transports ainsi que les autres secteurs actuellement ouvert par la règlementation SCEQE devraient rentrer dans le champ d'application de la future taxe.

Par ailleurs, il convient de noter que la nouvelle taxe devra respecter les principes fondamentaux de l'Organisation Mondiale du Commerce, notamment l'interdiction de modifier unilatéralement les engagements en matière de droits de douan et le principe de la « Nation la plus favorisée », qui vise à éviter la discrimination entre les partenaires commerciaux.

Nous anticipons également que l'application d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne pourrait engendrer des mesures commerciales de rétorsion de la part de certains pays (voire de nouveaux droits de douane additionnels de la part des Etats-Unis...).

La fin des exonérations et taux réduits en matière de fiscalité énergétique ?

Pour rappel, l'actuelle directive sur la taxation des produits énergétiques (2003/96), établit le cadre communautaire de la fiscalité énergétique, à savoir les niveaux minima de taxation (i.e. accises) ainsi que les exonérations ou les taux réduits appliables à l'électricité et aux produits gaziers et pétroliers.

La refonte de la directive actuelle, est attendue depuis longtemps, dans la mesure où :

■    la directive 2003/96 est désormais obsolète et ne permet pas de réaliser les objectifs de diversification des sources d'énergie et d'amélioration de l'efficacité énergitique,

■    les différents exonérations et taux réduits en matière de fiscalité énergétique en vigueur appliqués dans chaque Etat Membre créent de distorsions de concurrence au sein du marché intérieur.

La nouvelle directive sera structurée autour de trois grands piliers :

  1. la révision des taux d'accises minimaux sur les produits énergétiques et l'électricité : cette révision sera effectuée en fonction notamment du pouvoir énergétique et en lien avec les émissions de CO2 ;
  2. la mise en place d'une fiscalité « sectorielle » : les nouveaux droits d'accises seront différenciés entre l'usage carburant et combustible, les possibilités d'appliquer des taux différenciés, des exemptions et des réductions de taux seront réexaminées et rationalisées, et tous les aides fiscales aux combustibles fossiles seront supprimées ;
  3. encourager le recours aux nouveaux produits énergétiques : l'utilisation d'un certain nombre de nouveaux produits énergétiques sera incitée par l'application de taux réduits (e.g. sur les carburants de substitution qui peuvent inclure l'électricité).

Par ailleurs, la Commission prévoit la possibilité de taxer plus lourdement certains secteurs particuliers, tels que l'avitaillement du transport maritime et aérien, qui bénéficient aujourd'hui d'un traitement fiscal favorable non justifié d'un point de vue environnemental (par exemple le kérosène...)

La refonte de la directive semble conforter au niveau national la volonté du gouvernement dans la Loi de finance pour 2020 de redéfinir les cas d'exonérations et de taux réduits en matière de fiscalité énergétique, aujourd'hui très nombreux (TICFE, TICGN, TICPE...).


Les deux dispositifs décrits ci-dessus ne seront pas mis en œuvre avant 2021 mais leur contenu précis sera défini au cours des prochains mois.

Compte tenu des enjeux financiers pour les opérateurs, le sujet est à suivre de près.

Il est donc recommandé aux parties prenantes de participer aux consultation publiques qui seront lancées par la Commission et d'analyser, par anticipation, l'impact des futures mesures.


AUTEURS

Olivier Sorgniard
KPMG Avocats